dimanche 6 mai 2007

Les artistes et l'argent

La finalité des artistes est-elle de faire de l'argent ? Peut-on se dire que par but ultime, un artiste se doit d'amasser des fortunes pour exister ?

C'est peut-être cette vision des choses qu'il faudrait remettre en cause. Sans avoir cette vision manichéenne qui en voulant prendre le contre-pied dirait que les artistes sont fait pour vivre d'amour et d'eau fraîche, il est nécessaire, à mon avis de poser cette question.

D'abord, les réalités.
Quels artistes vivent de leur musique ? La réponse est déjà connue mais il est bon de rappeler que différents modèles existent pour permettre à un artiste de gagner suffisamment pour lui permettre de vivre et d'investir un minimum dans ses moyens de production de musique.
Les moyens de rétribuer les artistes sont pluriels. Les ventes d'albums en grosses quantités, où l'artiste s'il est interprète-compositeur-parolier peut toucher, s'il négocie très bien son contrat, à peu près 4.35€ sur le prix d'un cd à 20€. Détaillons tous ces chiffres grâce à un article de Ratiatum :


En enlevant les 19.6% de la TVA sur le CD à 20€, on arrive à 16.72€ à répartir comme suit :

7% (1,17€) pour les paroliers. C'est peu, mais une fois la chanson écrite, que dire...

19% (3,18 €) pour l'interprète sur les 16,08 € du départ. Ce pourcentage qui peut paraître faible est très controversé. Sur certains artistes, on serait plus proche de 10% (moitié moins !)... Tout cela dépend de la "valeur" de l'artiste, de son poids dans la balance lors des négociations : connu/inconnu, grosse promotion/petite promotion, etc.

22% (3,68€) pour la distribution. Toujours aussi gourmande, cette portion n'est pas des plus réduites. La grande distribution reste fidèle à elle-même, y compris sur les CD...

52% (8,69€) pour les maisons de disques, (répartis en 31% pour la promotion, 25% pour les frais généraux, 21% pour la fabrication du disque, 17% pour la marge d'exploitation et 6% pour les frais d'enregistrements).


Voilà pour l'artiste, s'il ne souhaite gagner sa vie qu'avec la vente de ses cd. Or, si un artiste vend beaucoup de cd, il est aussi, mécaniquement beaucoup diffusé, donc là aussi les rémunérations pour droits d'auteurs arrivent selon le nombre diffusions... Certains artistes ont même gagné un fois "à la loterie" en vendant une fois beaucoup de disque, en faisant un tube par exemple, puis se sont complètement arrêté de faire de la musique en vivant de leurs droits. (deuxième canal pour gagner de l'argent en tant qu'artiste).

Dans le même esprit, un artiste qui aura été repris par d'autres (remix, reprise...), ou dont la musique aura servi pour un support média (pub, film...) aura droit à des droits d'auteurs.

Ensuite, si l'artiste est un tantinet partageur, il va vouloir faire des concerts (ou on va l'obliger à...). Là aussi bien sûr l'artiste va gagner de l'argent sur le prix des entrées, ou les consommations du bar, là les choses sont vraiment changeantes puisque l'artiste peut ne pas être payé, se voir indemnisé de ses frais (hôtel, location de matériel, transport...), ou plus rarement être payé (en général, c'est à peu près entre 100 et 250€ pour des groupes peu connus, on est souvent plus proche des 150€ d'ailleurs), sans compter les sommes non déclarées qui sont récoltées au chapeau à la fin du concert.

Enfin, le distributeur qui lui peut prendre entre 50 à 70% du prix de vente hors taxe des cd déposés. Il faut bien différencier, la Fnoc (par exemple), de celui qui va remplir les rayons de la Fnoc. Il n'y a pas (ou rarement) de rapports directs entre la fnoc et les artistes. Il existe aussi d'autres choses moins ragoûtantes sur les distributeurs, notamment le fait qu'ils vous renvoient (à votre charge) les invendus en vous demandant de leur rembourser des frais (ce qui vous fait perdre de l'argent sur vos propres cd !).


On le voit, le métier "d'artiste" est complexe car il met en jeu beaucoup d'acteurs différents et différentes manières de le rétribuer. D'où la pertinence, pour un artiste de s'insérer dans un collectif, un label qui lui permettra de mieux gérer ces interlocuteurs.
Maintenant, un artiste doit-il uniquement se "concentrer" sur son art et laisser tout ce joyeux monde discuter ensemble et vivre sur son dos ? Non, je ne le pense pas, et c'est même nécessaire que l'artiste se considère plutôt comme un entrepreneur, un artisan, plutôt qu'il soit déconsidéré, infantilisé, ou tout simplement traité comme une marque à vendre. C'est aussi, un des enjeux majeur de la musique libre, remettre l'artiste au centre de tout ce système, lui redonner son pouvoir de décideur, lui redonner sa liberté.

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